
« La personne accueillie au Pôle Migrant d’audacia n’est pas seulement un sujet juridique, pas seulement un sujet social mais aussi un sujet avec une problématique de santé. » Ce constat est posé par Véronique Gallais, professionnelle de l’art-thérapie, qui est intervenue auprès des personnes accompagnées par l’équipe du Pôle Migrant d’audacia.
Cette problématique de la santé physique et psychique des migrants n’est pas toujours bien comprise, ni correctement prise en compte. L’art-thérapie, en créant des passerelles, vient s’articuler entre les actions sociaux-éducatives et l’accompagnement psychologique. Les bénéfices de l’art-thérapie permettent un meilleur investissement de la personne dans la démarche de demande d’asile et/ou l’insertion sociale.
Pour en savoir plus la démarche de l’art-thérapie, nous vous invitons à lire l’interview de Véronique Gallais.
• Quel est le principe de l’art-thérapie ?
L’art-thérapie est « l’exploitation du potentiel artistique dans une visée humanitaire et thérapeutique « ( AFRATAPEM, école de Tours ).
L’art-thérapeute propose à la personne de créer pour aller mieux. La création artistique met en effet la personne en communication directe avec son subconscient ce qui lui permet d’évacuer stress et souffrance. Pour mettre les personnes en confiance et favoriser leur expression, l’art-thérapeute doit faire preuve de congruence et d’empathie.
Concrètement , l’art-thérapie est un accompagnement humain et technique individualisé centré sur la production artistique de la personne – qui n’est autre que la traduction sensible de son être profond – et que l’art-thérapeute aide à faire s’exprimer .
L’art-thérapeute n’interprète pas les productions et il obéit à un code de déontologie.
• Que peut apporter l’art-thérapie à des personnes en situation de précarité ?
L’art-thérapie stimule les capacités esthétiques et artistiques des personnes prises en soin.
En proposant à des personnes en situation de précarité de contempler des oeuvres d’art , de faire de la peinture ou des collages , de la musique , du théâtre , de sentir des odeurs etc… L’art-thérapeute leur propose de se laisser aller au plaisir des sens. En se laissant aller au jeu de la création, elles renouent avec le plaisir, composante essentielle de l’existence.
L’art-thérapie stimule les capacités d’engagement des personnes : les séances sont sources de plaisir tout en constituant un cadre. Comme elle prend du plaisir, la personne a envie de revenir et de s’engager dans le projet ce qui s’avère essentiel pour des personnes en situation de précarité dont la capacité d’engagement n’est pas stable compte tenu de ce qu’elles vivent au quotidien.
Elles retrouvent leur capacité à faire confiance.
L’art-thérapie stimule les capacités expressives et relationnelles. Alors que la précarité isole les personnes, entrave leurs capacités relationnelles, l’art-thérapie, sous forme d’ateliers individuels ou collectifs propose à la personne de s’exprimer à sa manière, de se libérer par le biais de la création ou par la parole . Tout en créant et grâce au climat de confiance créé par l’art-thérapeute, la personne se remet à dialoguer, à échanger avec les autres participants.
L’art-thérapie stimule les capacités cognitives. En atelier d’art-thérapie, les personnes se remettent à réfléchir, imaginer, projeter et améliorent leur capacité de concentration. Les personnes en situation de précarité sont souvent sans activité et s’engager dans le projet s’avère très bénéfique.
L’art-thérapie permet une restauration de l’estime de soi (enjeu de toute première importance dans le champ social). En effet, la pratique artistique, dans un cadre sécurisant et sans pression, stimule la curiosité des personnes et leur procure beaucoup de plaisir, favorisant leur amour de soi.
Grâce à l’aide technique de l’art-thérapeute et à ses encouragements, les personnes progressent dans la réalisation de leur projet, leur confiance en soi s’améliore. Au fur et à mesure des productions, elles progressent dans les savoirs-faire et s’affirment de plus en plus.
» Prendre soin, c’est percevoir pour celui qui souffre, qu’il est quelqu’un pour celui qui soigne » : ce fut mon objectif tout au long de mon intervention au Pôle migrant de audacia. Dans ces propos du Professeur Didier Sicard (Président du comité consultatif national d’éthique entre 1999 et 2008) se trouve résumé tout l’intérêt d’une prise en soin art-thérapeutique pour des personnes en situation de précarité.
• Dans un travail avec un public de migrants, la démarche doit-elle être adaptée et de quelle façon ?
L’art-thérapeute qui travaille en inter-culturel doit avoir une connaissance fine des problématiques liées à la migration. L’art-thérapie, parce qu’elle propose d’investir » l’ici et maintenant « est tout à fait adaptée pour des personnes qui viennent d’ailleurs, dont le passé est douloureux et dont l’avenir est incertain. Susciter le désir en maintenant un cadre et permettre un va-et-vient entre notre culture et la culture de chacun (sans jamais rien imposer) sont essentiels.
L’art-thérapie est opérante pour remédier aux pénalités engendrées par la migration parce qu’elle offre une bulle protectrice où :
– le migrant peut oublier ses soucis ou en parler s’il le souhaite,
– se mettre à l’écoute de lui-même et éprouver du plaisir,
– se laisser aller au jeu de la création comme transformation de soi,
– se mettre en lien et retrouver sa capacité à faire confiance,
– redevenir sujet,
– se projeter.
• Concrètement, quelles réalisations ont été faites avec les usagers du pôle migrant d’audacia qui ont participé aux ateliers ?
Tout d’abord, mon but était de stimuler la curiosité des personnes, de faire naitre le désir pour qu’elles aient envie de s’engager dans le projet.
Certaines personnes ont bénéficié de visites au Musée St Croix, dans les quartiers historiques de Poitiers, au bord du Clain. D’autres ont contemplé des reproductions d’oeuvres plastiques.Toutes ont expérimenté les arts plastiques (peinture, collages, dessin, calligraphie, photographie) et/ou les odeurs.
Chacun à son rythme a produit une ou plusieurs création(s) personnelle(s). Certains sont allés jusqu’à montrer leurs productions sous forme d’exposition dans l’atelier, à destination de quelques personnes du Pôle. Cette exposition s’avère bénéfique lorsque les personnes l’osent. Ce n’est pas une finalité en soi.
Le soin s’opère dans le processus artistique à l’insu de la personne. L’art-thérapie n’est pas un atelier occupationnel, elle a pour mission d’aider les personnes à exprimer leur être profond.
Les réalisations sont des productions intimes dont le devenir appartient au patient.